Les sens que nous possédons représentent l’unique moyen de communication que nous entretenons avec notre environnement.
Sans eux, il est impossible de savourer le goût d’une fraise, de faire la différence entre la laine et le coton ou de reconnaître la voix de notre père. Ainsi, lorsque l’un d’eux est dysfonctionnel, n’est-il pas normal de poser un regard quelque peu différent sur notre univers ? Bien que tous, puissent être atteints d’une dysfonction sensorielle, les individus présentant un trouble du spectre autistique sont beaucoup plus sujets à en être victimes. On estime que plus de 80% de ceux-ci présentent une telle problématique. Cette dernière peut s’exprimer de diverses façons, toucher différents sens et donc avoir des répercussions variées quant à la pratique d’activités journalières.
La plupart d’entre nous ont appris que l’on dénombre cinq sens : le goût, l’odorat, l’ouïe, le toucher et finalement la vue. Toutefois, on en compte scientifiquement beaucoup plus ! Pour le bien du présent document abordant la sensibilité sensorielle des personnes extraordinaires, ajoutons ceux de la proprioception, du sens vestibulaire et plus largement du sens l’intéroception. Brièvement, la proprioception se définit comme étant le sens nous permettant de savoir à tout moment où se situe notre corps dans l’espace. Quant au sens vestibulaire, il détecte les mouvements horizontaux et verticaux. L’intéroception nous permet en tout temps d’être informés des besoins essentiels de notre corps (p. ex. la faim), bien que nous ne soyons pas constamment conscients de la plupart d’entre eux. Lorsqu’une activité est pratiquée, tous ces sens travaillent conjointement afin de nous fournir toutes les informations nécessaires à celle-ci.
Pour illustrer cela, considérons l’acte de goûter un aliment à l’aveugle. Dans un premier temps, votre langue détecte un goût sucré et acidulé. En croquant le morceau, votre langue et vos dents détectent la présence de petits pépins au sein d’un bloc uniforme, lisse et quelque peu mou. Finalement, votre nez perçoit les effluves d’un fruit tropical et vous devinez qu’il s’agit d’un kiwi. Une majorité d’entre nous est aisément capable de pratiquer ces activités complexes en faisant appel à plus d’un sens.
Toutefois, n’est-il pas logiquement concevable qu’un individu ayant des difficultés sensorielles se sente dépassé par de telles expériences et qu’arrive-t-il lorsqu’un système sensoriel est dysfonctionnel ?
Avant tout, il est important de savoir qu’une dysfonction sensorielle se spécifie comme étant une hypersensibilité, une hyposensibilité ou une « recherche de sensations ». Une hypersensibilité se définit par le fait qu’un simple petit stimulus suffit à déclencher une réaction. À l’opposé, une hyposensibilité se caractérise par le fait qu’un stimulus important est nécessaire afin de déclencher une réaction. Quant à la recherche de sensations, celle-ci ne se décrit pas par une hypo ou une hypersensibilité, mais plutôt par une envie constante d’être stimulé par l’utilisation d’un sens en particulier. Lorsque ces dysfonctions sensorielles engendrent des difficultés significatives dans le quotidien d’un individu, il s’agit alors d’un « trouble du traitement de l’information sensorielle ». À ce degré, le dysfonctionnement sensoriel est tellement important que la personne ne possède pas la capacité de moduler les informations qu’il reçoit afin de pratiquer ses activités quotidiennes ou de se concentrer. Cette perte de fonctionnement nécessitera alors bien souvent une intervention spécialisée. D’autre part, il est nécessaire de distinguer la surcharge sensorielle du trouble de traitement de l’information sensorielle. À l’opposé de ce dernier, la surcharge sensorielle n’entraîne pas de difficulté à long terme. Il s’agit plutôt d’une surcharge ponctuelle d’information sensorielle ayant pour conséquence une forte réaction émotionnelle de type « fuite ou combat ». Ainsi, lorsqu’un bénéficiaire est coincé dans une situation engendrant chez lui une surcharge sensorielle ce dernier réagira en s’enfuyant ou en régissant souvent avec agressivité.
La sensibilité au cœur des problèmes alimentaires
Les problèmes du comportement alimentaire sont des manifestations courantes du trouble du spectre autistique. Une étude révèle d’ailleurs que 35 à 55% de personnes ayant reçu un diagnostic d’autisme nécessiteraient constamment ou très fréquemment des repas différents et adaptés à leur condition. En effet, il n’est pas étonnant de trouver la dysfonction d’un ou plusieurs sens à l’origine d’un problème alimentaire en raison de leur dimension fondamentale au sein de l’alimentation. Si l’on se rapporte à l’exemple de la dégustation à l’aveugle, il est facile de constater que manger ou s’abreuver constitue une expérience complexe impliquant non pas un seul, mais plutôt trois sens principaux : le goût, l’odorat et la sensibilité tactile orale. En plus, il est également possible d’ajouter à ces trois sens ceux de la vue (apparence visuelle des repas), de l’audition (conversation, communication non-verbale, prenant place autour de la table) et de la proprioception (manipulation des ustensiles).La sensibilité tactile orale (souvent appelée « sensibilité orale ») est d’ailleurs l’une des formes d’hypersensibilité les plus courantes chez les personnes atteints d’un trouble du spectre autistique.
À ce titre, peut-être avez-vous déjà entendu le terme « défense orale » ? En d’autres mots, il s’agit d’une hypersensibilité tactile orale qui engendre souvent un comportement défensif chez la personne lorsqu’il est question d’introduire des aliments aversifs ou nouveaux à ses repas. Les individus souffrant de cette dysfonction sont sélectifs, ont conséquemment souvent un répertoire alimentaire très restreint.
Différentes formes de problèmes alimentaires constatés auprès de personnes extraordinaires :
1) Crises à l’heure des repas
2) Habitudes alimentaires étranges (ajouter du chocolat « si dispo » sur tous ses aliments…)
3) Aversion particulière envers plusieurs aliments ou groupes d’aliments (sélectivité)
4) Alimentation prolongée d’aliments exclusivement en purée
5) Retard dans la capacité de s’alimenter
6) Surconsommation
7) Sous-consommation
8) Mérycisme (vomissements réactionnels)
9) Difficultés neuromotrices (mastication, succion ou déglutition)
Il n’est pas étonnant de trouver la dysfonction d’un ou plusieurs sens à l’origine d’un problème alimentaire, des groupes alimentaires entiers (par exemple les produits laitiers,...). Encore une fois, on retrouve à l’opposé de cette dysfonction la « sous-réactivité orale » se traduisant concrètement par des bénéficiaires emplissant trop leur bouche et exprimant donc des difficultés à avaler ou s’étouffant à répétition. Les problèmes du comportement alimentaire peuvent adopter diverses formes telles qu’on les présentent ci-dessus . Comme vous pouvez le constater, chacune de ces formes pourrait être conséquente à une dysfonction sensorielle gustative, olfactive, tactile ou visuelle. Il n’est donc pas étonnant que la présence de telles anomalies sensorielles soit étroitement associée avec la présence de problèmes alimentaires.
À noter que les problématiques sensorielles associées à l’alimentation semblent diminuer grâce a des accompagnements éducatifs spécifiques.
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